08-02-Donbass_synopsis
Dombass_Propos du réalisateur

EXTRAITS CRITIQUES

Le film raconte, en treize sketches, le conflit qui, dans cette région du sud-est de l’Ukraine, oppose aujourd’hui encore les forces gouvernementales, soutenues par des mafias locales, aux séparatistes pro-Russes, aidés par d’autres gangs et par les soldats de Poutine. Treize histoires invraisemblables, et pourtant authentiques, qui appuient là où ça fait mal: Loznitsa renvoie dos à dos les deux camps — tantôt victimes, tantôt bourreaux, mais tous corrompus — et témoigne du renversement des valeurs dans l’ex-Empire soviétique. «le Donbass, dit-il, la guerre s’appelle la paix, la propagande est érigée en vérité et la haine prétend être l’amour.»

Le mélange de tragique et de grotesque rappelle Une femme douce, mais la farce est plus affirmée. Une cérémonie de mariage tourne, vodka aidant, à l'hystérie collective dans une démesure quasi fellinienne. Dans un autre sketch, à l'humour noir irrésistible, un automobiliste tente de récupérer son 4×4 «équisitionné» par les soldats, et se heurte à une brute galonnée soudain métamorphosée en bureaucrate retors. Mais on ne rit plus du tout quand un prisonnier, visiblement étranger à la politique, est pris à partie par des passants de plus en plus haineux, de plus en plus violents. Une scène terrifiante, où l'art du plan-séquence de Loznitsa, ses mouvements de caméra audacieux donnent leur pleine puissance.

Télérama, Samuel Douhaire

Le cinéaste ukrainien Sergei Loznitsa ne laisse guère de doute sur la nature de son film : c’est un cri de désespoir. II s’agit de montrer, tantôt sur le ton de la bouffonnerie (pour ne pas crever), tantôt sur celui du réalisme, les exactions (pillages, désinformation, propagande, crimes, bombardements, corruption, etc.) commises depuis quatre ans par les séparatistes ukrainiens pro-russes (évidemment soutenus par les Russes). Il y a notamment cette scène, qui ouvre le film et le clôt, où un attentat est organisé comme un film pour accuser les Ukrainiens d’en être les auteurs, vaste machination cynique décrite et décortiquée avec brio par Loznitsa, qui montre ainsi quelque chose qu’on ne peut lui retirer: il est un cinéaste, qui taille dans le réel pour en tirer du sens. Donbass est un film militant, politique, vengeur. Mais avec une forme cinématographique très maîtrisée. Et puis comment pourrait-on reprocher sans indécence au citoyen d’un pays martyrisé de dénoncer sans mesure et pondération les crimes et les injustices dont est victime son peuple?

Les Inrockuptibles, Jean-Baptiste Morain

  

Sergei Loznitsa ne cherche aucunement à expliquer cette guerre dont les motifs échappent totalement au spectateur. Il ne cherche pas à être didactique, mais justement à exposer un conflit qui échappe aux deux parties. Une belligérance dont les sources résident dans des préjugés, une inculture entretenue, des conflits d’intérêts, la corruption, et plus généralement la nature humaine… Pas vraiment des motifs politiques ou idéologiques, selon le réalisateur Sergei Loznitsa. Ce flou serait d’ailleurs aiguillonné par Moscou, accusé d’avoir introduit une large propagande en sa faveur, ainsi qu’une aide militaire aux insurgés pour y mener ce qui a été qualifiée de "guerre hybride". Loznitsa est fidèle à son style radical, alimenté de longs plans fixes et plans-séquence, aux décors urbains lépreux, des zones vagues, avec ici et là des scènes baroques (banquet, mariage), peuplées de personnages antipathiques ou inconsistants, au pire hystériques. Son filmage en retrait, observateur, son image froide, le sordide des situations, son rythme languissant, contrastent avec des fulgurances de violences traumatiques. Il faut donc s’accrocher et l’on adhère ou pas, mais le cinéma de Sergei Loznitsa a une réelle personnalité.

France Info Culture, Jacky Bornet

Sous ses airs de chronique rugueuse et naturaliste, le métrage se déploie rapidement à la manière d’un kaléidoscope imprévisible, violent et profondément surréaliste. (.) On suivra donc, au gré d'un récit faussement chaotique et éclaté, les schrapnels d’un conflit qui n’épargne personne, tord les consciences et désarticule les corps. Structuré autour de longues séquences elles-mêmes ordonnées par de simili-plans séquences virant régulièrement au grotesque ou à l'insoutenable, Donbass met en lumière l’abominable absurdité d’un affrontement devenu quasiment invisible aux yeux d’un monde occidental qui fit ses choux gras de son avènement.

Ecran Large, Simon Riaux

Parfois critiqué à sa sortie en 2018 pour ses excès et son aspect grotesque, aujourd’hui, tout ce qu’il décrit s’est réalisé à l’échelle d’un pays. Tout ce qui paraît exagérément lourd dans Donbass ne reflète qu'une atroce banalité largement documentée aujourd'hui.

Jusqu’aux règlements de compte. La mort entraîne la mort. Plus la guerre dure, plus la haine grandit. Plus les embryons de vengeances bourgeonnent. C’est le pari de Poutine: gagner ou perdre à moitié, mais réduire à néant l’espoir de paix et d’une vie tranquille de l’autre côté de «» frontière.

Le Parisien, Yves Jaeglé

Synopsis

Propos du réalisateur