Playtime_Propos du réalisateur
Les trois soeurs du Yunnan_Extraits critique
Playtime_Extraits critiques

Hulot n’a  pas besoin de gags. Vous savez, je suis le contraire d’un Buster Keaton ou d’un Charlot. Le «comique» autrefois venait et disait : « MOI, JE SUIS LE COMIQUE DU FILM, je sais chanter, danser, jongler, je sais tout faire». Hulot est à l’opposé; lui, c’est simplement un homme qui n’a qu’à se promener… dans des bureaux, dans des grands magasins. Il est la vie.


Ce qui frappe en général dans votre comique, c’est son absence de méchanceté, sa tendresse et sa poésie. Etes-vous devenu méchant avec Playtime ?


Non, absolument pas. Je crois que Playtime est la continuation des autres films, avec cette tendresse et cette poésie dont vous parlez.


Entretien avec Claire Clouzot

( Cinéma 65  : N° 99  septembre-octobre  1965)


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«  Nous avons été paniqués parce que nous avions l’argent pour tourner le film, mais pas d’endroit pour le tourner, et nous nous sommes rabattus sur ce fameux décor à Joinville… Il a donc fallu niveler le terrain, faire venir des bulldozers, et de fil en aiguille on a purement et simplement construit une ville : tout le dépassement est venu du décor, car je tourne toujours aussi vite qu’un autre… Ensuite, il y a eu des interruptions, à cause de difficultés financières, des arrêts d’un mois, de deux mois : l’histoire de Playtime, c’est cela. Ce qui m’a fait de la peine, c’est qu’on est venu du monde entier pour voir ce décor, les Russes, les Allemands, les Américains : seuls les Parisiens ne sont pas venus. Les jeunes auraient pu venir tourner là; il y a avait tout ce qui fallait, le tout-à-l’égout, les feux rouges, et comme les buildings étaient montés sur roulettes, on pouvait changer le décor à volonté. Ce qui a été catastrophique, c’est qu’on ne pouvait pas commencer avant que tout soit terminé, à cause du principe même du plan d’ensemble. Je ne pouvais pas me promener là-dedans en faisant quelques gros plans. Et tout est en verre, on voit à la fois l’intérieur et l’extérieur, à la fois les gens qui marchent dans les immeubles et les voiture qui passent dans la rue, c’était réellement inextricable.»


Entretien avec Jacques Tati par Jean-André Fieschi et Jean Narboni  : Cahiers du cinéma N° 199 (mars 1968)

Pourquoi avez-vous donné un titre anglais à votre film et pourquoi sommes-nous entourés de publicités et de personnes anglo-saxonnes ?

«  Ce n’était pas mon premier choix… Je voulais appeler mon film «récréation», mais le titre était déjà pris. Alors, je traduis parce qu’en France, nous rangeons nos voitures dans des «», nous mangeons dans des «», et nous achetons nos affaires dans des «». Et puis, qu’est ce que nous vivons tous les jours dans la publicité, dans l’emballage, dans l’atmosphère sinon une américanisation ? Les Américaines que j’ai choisies pour l’autocar, c’est simplement parce que j’avais besoin d’observatrices. Elles quittent leur pays pour venir à Paris et retrouvent exactement ce qu’elles viennent de quitter.

Oui mais pourquoi «récréation» ?

   Le sens est double : récréation pour le spectateur, récréation visuelle; ensuite, on note que dans le monde entier, les hommes vivent dans un décor qui augmente leur confort dans la vie quotidienne, au bureau, en vacances. Ce confort permet un meilleur rendement, d'accord. Mais ce qui est grave, c'est qu'on a oublié dans les hautes sphères  de réserver une place au temps perdu, à l'adaptation. Je veux montrer qu'en France, nous échapperons toujours au danger. Le Français saura toujours adapter ce décor à son comportement, à son côté «». Au début, il se prend au sérieux à cause du sol brillant et du porte-documents en cuir noir et il est  forcé de marcher très droit, mais ensuite sa nature reprend le dessus.

Vous continuez donc la voie emprunté par Mon Oncle pour la défense des libertés humaines ?

  Oui, bien sûr. Je défends la personnalité de l’individu inséré dans une architecture internationale qui pourrait être à Helsinki ou à Tokyo. Pour moi, ce sont toujours les gens qui comptent. Je les choisis pour leur nature. Je n’ai rien changé à l’habillement des Américaines, par exemple. J’ai pris simplement dans leur propres affaires ce qui me plaisait.

Revenons à ce que vous disiez de la résistance du Français à l’internationalisation, à la standardisation. Est-ce là la source des gags de Playtime ?

  La source de son comique, oui, la source de ces gags, non.

PROPOS DU RÉALISATEUR