Carol_Synopsis
Dérrière la colline_Synopsis
Carol_Propos du réalisateur
Dérrière la colline_Propos du réalisateur

EXTRAITS CRITIQUES


Todd Haynes filme souvent des prisons. Morales. Et qu'elles soient luxueuses ne les rend pas forcément moins féroces. Des femmes y sont enfermées, victimes des autres ou d'elles-mêmes, mais victimes, toujours. Therese, vendeuse dans un grand magasin de New York, rencontre Carol, grande bourgeoise en train de divorcer d'un mari qui, par vengeance, s'est mis en tête de lui retirer la garde de leur fille. Carol, qui aime les femmes, s'éprend de Therese, au risque de se perdre...

Cate Blanchett joue Carol comme Greta Garbo, jadis : avec une emphase légère, un emportement diffus. Chaque geste, chaque sourire, chaque silence qui pourraient agacer, tant ils sont maîtrisés, ne font qu'exprimer les efforts du personnage pour survivre. Carol doit composer. Tricher. Exagérer. Se déguiser. C'est en soulignant constamment l'artifice que Cate Blanchett parvient à être juste et vraie... Rooney Mara, elle, rappelle Audrey Hepburn. La Sabrina de Billy Wilder. Même frange. Même fragilité. Même androgynie.

Durant tout le film — de la première rencontre jusqu'aux dernières secondes du dénouement —, le cinéaste préfère le chemin qui mène à la passion que la passion elle-même. Et c'est avec la même subtilité qu'il suggère l'éternel poids de l'intolérance sur nos vies. La force du film, c'est de nous faire réaliser qu'en dépit des masques rassurants dont il s'affuble le moralisme ne cède jamais. Il se cache. Il attend son heure.

Pierre Murat, Télérama


On est devant Carol comme un enfant devant son premier film.

Splendeur et délicatesse, Carol relève du travail d'orfèvre. La musique soyeuse de Carter Burwell, avec ses nappes de violons obstruées par des glissements de harpe, figure parmi ses compositions les plus émouvantes. Les costumes des années 50 sont magnifiques, que ce soient l'écharpe grise du petit ami de Thérèse, les tailleurs colorés portées par Carol, ses gants de cuir marrons qu'elle laisse trainer sur un comptoir et qui provoqueront la rencontre des deux héroïnes. Les décors de Judy Becker sont raffinés : le moindre bibelot des années 50 est choisi avec soin, la caméra s'y promenant dessus dans de délicats travelings à travers les pièces des appartements et des maisons où se joue l'histoire de cette passion interdite entre deux femmes. La photographie presque opaque, monochrome du grand Edward Lachman (déjà avec Todd Haynes sur Loin du Paradis) évite à ce mélodrame classique d'être une resucée littéralement flamboyante de ceux de Minnelli et de Sirk, dans les pas desquels le réalisateur de Velvet Goldmine pourtant se place. […] 

Tout est parfait dans Carol , si bien que parfois tout cela frôle le chichiteux, le maniéré, le surléché. Mais à rebours de la plupart des films vus ici, Haynes ne cherche jamais à exhiber les carences de la réalisation, leurs insuffisances, les velléités du tournage. En fait, Haynes magnifie son film pour préserver dans un écrin de soie et de lin le cœur, l'intimité, le secret amoureux de ses deux héroïnes. Carol est un mausolée de magnificences, à l'abri du monde.


Dans ce film d'orfèvre, millimétré et cousu main, où le cinéaste garde toujours ses distances, l'émotion ne jaillit pas comme dans tous ces films cannois où elle semble provoquée. Au contraire, elle survient lentement, s'insinuant comme un serpent dans le déroulé lent du film. L'exploit de Haynes est d'être parvenu en convoquant tous les clichés du cinéma, tous les clichés de la dramaturgie la plus classique, tous les codes les plus éculés, à leur rendre leur splendeur des premières fois. A nous en montrer la beauté, toujours contemporaine.

Frédérix Mercier, Transfuge.


Au-delà de l’interdit filmé avec une pudeur exemplaire, ce sont les conventions, les abîmes institués entre classes sociales que pointe Todd Haynes de film en film. Celui-ci, d’une beauté renversante, impose Rooney Mara, filmée de manière à ce que l’on puisse croire qu’en elle, Audrey Hepburn s’est réincarnée. Troublante ressemblance ! Classieuse connivence ! Cate Blanchett, de son côté, confirme une puissance de jeu lui conférant une aura à la Romy Schneider, à la Gena Rowlands. Considérant ces icônes que l’art cinématographique tend à transcender, avouons qu’il est infiniment aisé d’être captifs de leurs regards !

La Voix du Nord